(Harry Gatterer, directeur de l'institut d'études prospectives « Zukunftsinstitut » à Francfort)
Manger ne signifie pas simplement absorber des aliments. Manger est synonyme de plaisir gustatif, de repas pris en commun et de santé. La préparation des aliments est un art. Ce que nous mangeons et la façon dont nous le mangeons dépend de notre culture et de la société à laquelle nous appartenons – et, de plus en plus, de notre philosophie de vie personnelle.
L'alimentation nous unit – ou nous divise. « La nourriture est aujourd'hui un puissant moyen de communication », écrit Hanni Rützler, spécialiste en tendances alimentaires réputée, dans son « Food Report 2020 ».
Et les traiteurs, cuisiniers et restaurateurs sont au cœur de la polémique... Ont-ils des raisons de s'inquiéter ? Pas forcément. En effet, l'importance croissante accordée à l'alimentation représente également une grande opportunité. Alors que les médias font état d'un nombre grandissant de fermetures de restaurants et d'un manque chronique de personnel, en Allemagne, le chiffre d'affaires du secteur n'a cessé d'augmenter entre 2011 et 2017 pour passer de 30 à 39 milliards d'euros. Le portail de statistiques Statista prévoit même une nouvelle hausse d'ici 2023, année où il devrait atteindre 45 milliards d'euros. La restauration dite hors domicile est également en croissance permanente aux États-Unis, où le chiffre d'affaires s'élevait à un peu plus de 560 milliards de dollars en 2017 et devrait dépasser 627 milliards d'ici 2020.
LES RESTAURATEURS DEVRAIENT CONNAÎTRE CES TENDANCES DÉTERMINANTES POUR LEUR BUSINESS !
Snacking
Hanni Rützler l'appelle « La fin des repas tels que nous les connaissons ». Autrement dit, un grand nombre de petits repas remplacent le concept classique, qui en comptait seulement trois (petit-déjeuner, déjeuner, dîner). La raison en est que la majorité des gens ne mangent plus à la maison en famille, mais au bureau ou à l'extérieur. À noter que les collations, si petites soient-elles, prennent de plus en plus des allures de repas complets. Citons notamment les bowls, tapas, ramen, smoothies et sushis ou encore le kebab (végétarien) ou le hamburger en viande artificielle. « Anything, anytime », telle est la devise. D'autres tendances, établies depuis plus longtemps, doivent également être prises en compte : les aliments doivent être complets, bio, régionaux, frais, équitables, végétariens ou même végans.
Les restaurateurs ne peuvent pas suivre toutes les tendances simultanément. Il est plus judicieux de se spécialiser dans un type de restauration spécifique – notamment pour des raisons de rentabilité. Pour trouver de nouvelles idées pratiques, lisez notre article « Concepts de restauration – Comment faire de votre restaurant, bar ou café un véritable pôle d'attraction ».
Hanni Rützler, spécialiste en tendances alimentaires, auteur du « Food Report 2020 »
Flexitarisme
Pour le dire simplement : les flexitariens sont des personnes qui consomment peu de viande sans pour autant être végétariennes ou véganes. Les flexitariens mangent uniquement de la viande ou du poisson bio, de qualité. Selon le portail de statistiques en ligne Statista, cette tendance concerne environ 5 % de la population en Europe, contre 6 % aux États-Unis et 16 % en Asie et sur le continent africain. Au-delà des questions de santé, les flexitariens s'engagent contre l'élevage intensif et ses répercussions négatives sur l'environnement.
Selon Greenpeace, l'élevage serait responsable de 20 % environ des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. En outre, une consommation excessive de viande est considérée comme néfaste pour la santé. La société allemande de nutrition DGE recommande de ne pas consommer plus de 300 à 600 g de viande par semaine. En Allemagne, toutefois, la consommation hebdomadaire de viande s'élève à environ 700 g par habitant. L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) conseille officiellement de réduire la consommation de viande rouge et transformée en raison du risque accru de cancer. Les flexitariens sont donc sur la bonne voie en termes de santé, d'écologie et de durabilité.
Végétarisme / Véganisme
Le fait que certaines personnes renoncent sciemment à la viande ne date pas d'hier. Durant l'Antiquité déjà, on se contentait d'aliments végétaux pour des raisons religieuses, éthiques ou de santé. Cette citation en faveur du végétarisme est d'ailleurs attribuée à Pythagore : « Tout ce que l'homme fait subir à l'animal se retournera contre lui ». On raconte que Léonard de Vinci était également végétarien. Aujourd'hui, 9 à 10 % des Allemands sont considérés végétariens. Ce chiffre est beaucoup plus élevé dans les pays asiatiques pour des raisons culturelles. En Inde, notamment, 38 % de la population est réputée végétarienne. La cuisine végétarienne asiatique est à l'origine de la bowl food à base de céréales, de fruits et de légumes, particulièrement en vogue dans les pays occidentaux actuellement.
Et même si ces chiffres peuvent sembler dérisoires de prime abord, il n'en reste pas moins que les végétariens et les véganiens sont à l'origine du boom végétarien dans le secteur alimentaire. Si l'on ajoute les efforts réalisés pour améliorer les conditions de vie des animaux et réduire les émissions de CO² imputées à l'élevage, il va sans dire que le végétarisme et le véganisme sont des tendances durables qui occupent une place particulière en restauration – et dont la plupart des restaurateurs tiennent déjà compte. Les combiner à des produits bio de producteurs locaux pour préparer des spécialités régionales permet d'atteindre un public sans cesse croissant.
ON MANGE DES INSECTES PARTOUT DANS LE MONDE – EN EUROPE AUSSI ?
Les insectes : un aliment (sans viande) qui peine à s'imposer en Europe. Si vous avez déjà passé vos vacances en Thaïlande ou en Inde, vous avez certainement vu les boîtes pleines d'insectes sur les marchés. Selon la Centrale des consommateurs de Hambourg, il existe environ 2 000 espèces d'insectes comestibles dans le monde et elles progressent dans notre direction : l'UE a adopté de nouvelles réglementations et l'association d'agriculture biologique Naturland commence à définir des standards. Mais pourquoi devrions-nous manger ces petites bêtes ? Elles contiennent des protéines de haute qualité, de la graisse et des vitamines B et leur élevage demande peu de ressources.
50 INGRÉDIENTS
qui changent l'avenir
Dans leur rapport « Future 50 Foods » publié en 2019, l'entreprise Knorr et le World Wide Fund for Nature (WWF) ont identifié 50 aliments durables qui fournissent à notre organisme tout ce dont il a besoin – et ont bon goût, naturellement. Il s'agit en partie d'aliments bien connus tels que les épinards, les lentilles, le cresson, le chou rouge, l'amarante ou les noix – mais aussi d'autres moins courants tels que les algues wakamé ou les tomates orange.
LES MÉDUSES SONT-ELLES LE SUPER-ALIMENT DU FUTUR ?
D'après un article paru sur le portail en ligne foodnavigator-usa.com, « les méduses sont riches en nutriments, leur goût et leur texture rappellent ceux des huîtres et selon des études financées par l'UE, elles pourraient – pour peu qu'elles soient autorisées en tant qu'aliment – contribuer à réduire la surexploitation des pêcheries ». Il est fait état de recherches à l'Institut italien des sciences de la production alimentaire. En fait, cette idée n'est pas vraiment nouvelle puisque dans la cuisine asiatique traditionnelle, les méduses sont considérées comme un met particulièrement raffiné.
Durabilité
Changement climatique, réduction des émissions de CO², durabilité : autant de sujets qui ne peuvent laisser indifférent le secteur de la restauration puisqu'ils comptent de plus en plus pour les clients. Particulièrement en ce qui concerne l'alimentation. En Allemagne, les restaurateurs qui souhaitent s'approvisionner et cuisiner de manière plus durable bénéficient désormais du soutien de l'initiative Greentable. Celle-ci réunit des restaurants, cafés, producteurs et fournisseurs durables et prône « le respect des aliments, la cuisine régionale de saison, la protection du climat et l'engagement social ». L'objectif des initiateurs est de réduire de moitié les 1 583 g de CO² émis en moyenne pour produire un plat (source : Greentable). Les restaurateurs qui y parviennent se voient décerner le label « Klimateller », qui indique aux clients que les plats proposés ont une empreinte climatique réduite. Les restaurants peuvent calculer l'impact environnemental de leurs plats grâce à l'appli « Klimateller ». Ce projet est subventionné par une des autorités suprêmes de la République fédérale, le ministère allemand de l'environnement, de la conservation de la nature et de la sûreté nucléaire.
Les restaurateurs peuvent encore réaliser de gros progrès en matière d'approvisionnement et de stockage, notamment en supprimant les produits en plastique jetables, qui constituent une source de déchets qu'il convient d'éviter à tout prix.
ÉVITER LES PRODUITS EN PLASTIQUE JETABLES
Saviez-vous que nous ingurgitons cinq grammes de micro-plastique par semaine à travers la nourriture, l'eau potable et simplement en respirant ? Cela correspond plus ou moins au poids d'une carte de crédit (source : Fonds mondial pour la Nature WWF). Il n'est donc pas surprenant que 80 % au moins des personnes interrogées en Grande-Bretagne, France, Espagne, Pologne et Allemagne dans le cadre d'un sondage représentatif réalisé en 2019 par Ipsos, un partenaire de Statista, voient d'un œil critique l'utilisation de produits en plastique jetables.
QUE CHOISIR ?
Le snacking, le flexitarisme, le végétarisme et le véganisme sont autant de tendances qui vont influencer nos habitudes alimentaires de manière durable. Il appartient aux restaurateurs de développer des concepts pour les mettre en pratique. Pour plus d'inspiration, lisez notre article sur les concepts de restauration.